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Ils sont 91 bateaux derrière les écluses de Saint-Malo. Certains des géants, comme Sprindrift et ses 41 mètres de long, doivent mouiller en face des remparts, à la vue des badauds. On attend deux millions de visiteurs sur le village de la course.

 

Depuis 1978, la transatlantique la plus célèbre, est devenue une aubaine pour les annonceurs, les entreprises et les collectivités locales. Les hôtels affichent complets, avec 300 000 nuitées en dix jours. Les annonces d’Airbnb, nouveau venu à Saint-Malo, se multiplient. Y compris pour la firme américaine, la Route du Rhum aura été un « booster » en France.

 

Sur les quais, les bateaux de toute taille font le plaisir des yeux. Les Ultims et leurs proportions gigantesques, les Imocas, Les multi50, les Class 40, la classe de monocoque qui monte, et les Rhum, assortiment de bateaux « mythiques », comme Olympus Photo que comptait mener Loïck Peyron.


Mais pour lui, cela ne va pas se passer comme prévu.

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Sous un ciel lourd de menace, les 91 bateaux de la flotte font cap sur la Pointe du Grouin, puis la bouée de Fréhel qu’il faudra virer.

 

Parmi les centaines de bateaux accompagnateurs, dans une forêt de voiles de toutes tailles, les Ultimes se détachent.

 

Sublimé par un rayon de soleil au passage de la bouée de Fréhel, Thomas Coville fait un départ canon avec Sodébo. Et pas seulement pour montrer la grand-voile comme on montre le maillot dans une étape du Tour de France. Cette Route du Rhum, il veut la gagner.

 

Mais, alors que les hélicoptères des télévisions ont rebroussé chemin, dans ces premières heures où le skipper s’amarine à la solitude, dans la première nuit, le trimaran géant percute un cargo. Une partie de la coque centrale et du flotteur tribord sont détruits.

 

Le rêve est brisé dans son élan. Thomas Coville, rentré à terre, est effondré. « C’est une succession d’événements qui font que…. ». Sans voix, sonné, il ne peut finir cette vaine explication devant une forêt de micros.

 

C’est la première avarie, le premier abandon, d’une liste qui va allonger au fil des premières 48 heures de baston.

 

Dans un golfe de Gascogne en proie « à des conditions dantesques », les avaries se multiplient.

 

Abandon pour Bertrand de Broc et Vincent Riou, escale technique pourTanguy de Lamotte. Ça c’est pour les Imocas. Les deux Class 40 conçus par François Angoulvant perdent chacun leur quille, Nicolas Troussel se blesse. Le voilier de Pierre Antoine prend la foudre. Il sera hélitreuillé.

 

Il y aura 18 abandons dans les premières 48 heures. Une hécatombe. 

Malgré la météo qui met les bateaux à rude épreuve, les gros bras sont passés. Et des bras, il en faut pour manœuvrer les Ultimes, en solitaire. Lionel Lemonchois est dans la course, Yann Guichard et son monstre de 40 mètres de long, Spindrift, également.

 

A bord, chaque manœuvre est un effort de longue haleine, et depuis la sortie du golfe de Gascogne, il faut la jouer fine.

 

« Au passage de Madère, j’ai mis 4 heures à envoyer le gennaker, c’était laborieux, difficile, j’étais en pleurs à la fin “ avoue Yann Guichard lors d’une vacation vidéo, “même quand j’en parle maintenant, j’ai encore de l’émotion tellement c’était dur”.

 


Le défi physique, c’est justement ce qui inquiétais Loïck Peyron, qui avec Groupama VII a pris les commandes de la course.


Deux mois avant le départ, l’équipe d’Armel le Cléac’h, blessé à la main, lui propose de prendre la relève.




« Cela fait 12 ans que je ne rêvais plus de la Route du Rhum »





Loïck Peyron, s’il a abandonné toute idée de navigation en solitaire depuis un moment, est un spécialiste du multi. Avec Fujicolor notamment, il a connu son lot de victoires, mais aussi des déboires, et notamment sur la Route du Rhum.

 

Cette transat, il l’avait rayé de ses listes. « Cela fait 12 ans que je ne rêvais plus de la Route du Rhum » confiera-t-il sur les pontons de Pointe-à-Pitre.

 

Mais n’allons pas trop vite.

 

Si son palmarès sur plusieurs coques est impressionnant, il faut d’abord que le Baulois de 54 ans maîtrise la bête. « Me planter, cela voulait dire ne pas être à la hauteur de la machine » confiera-t-il à Gilbert Dréan, du Télégramme, « j’avais parfaitement accepté le risque, conscient que tout peut arriver avec ses bateaux ».

 

Comme lorsque, épuisé, il s’appuie sur la barre alors qu’il longe le golfe de Gascogne, tribord amure, et que le bateau part à l’abattée. « Avec 35 noeuds de vent, c’était chaud » raconte-t-il.

 

Mais ce sera finalement le seul incident notable. A terre, Armel Le Cleac’h est en liaison fréquente avec Loïck Peyron. Marcel Van Triest, le routeur, affûte les trajectoires.

 

Ensemble, ils trouveront le trou de souris après Madère, à l’instar de Franck Cammas quatre ans auparavant, qui propulsera Groupama VII vers la victoire.

 

Au terme d’une navigation gérée au cordeau, et après les pièges et de nouveaux les efforts dans les calmes piégeux sous La Soufrière, Loïck Peyron peut allumer les feux de détresse et tendre les bras au ciel. Sa victoire, il ne l’aura pas volée.

Loïck Peyron peut rajouter la Route du Rhum à son palmarès. Avec le même sponsor, Groupama, il avait battu le record du Trophée Jules Verne, le tour du monde à l’envers et en équipages, deux ans plus tôt.

 

Le navigateur au sens de la formule légendaire ne naviguait plus en solitaire depuis 12 ans lorsque Ronan Lucas, le directeur sportif du Team Groupama, l’appelle pour lui proposer de remplacer Armel le Cléac’h.

 

Lui voulait courir le Rhum à l’ancienne, sur l’ancien Olympus Photo, le petit trimaran jaune de 11 mètres 50 de Mike Birch, vainqueur en 1978.

 

Il entrera finalement lui aussi dans la légende en maitrisant parfaitement un joli bébé de 31 mètres 50, donné favori à Saint-Malo.

 

Avec ce trophée en poche, Loïck Peyron sera logiquement sacré marin de l’année au salon nautique, au mois de décembre.

D’autres n’ont pas démérité non plus. François Gabard, à bord de son Imoca Macif, survole sa catégorie.

 

Erwan Leroux s’impose dans la classe des Multis 50, Alex Pella dans celle des class 40.

 

Quelques jours avant Sir Robert Knox Jonhson, Anne Caseneuve, troisième femme après Florence Arthaud et Hellen Mac Arthur à signer un podium, s’impose dans la catégorie Rhum.

 

Et puis la victoire, c’est aussi celle du benjamin de l’épreuve, le jeune malouin Paul Hignard, qui arrivera à Pointe-à-Pitre avec un gréement de fortune, et quasiment à court de vivre.

 

C’est ce genre d’aventure que permet la seule course ouverte aux amateurs et à tout type de bateaux. Ces histoires, comme 40 ans auparavant l’arrivée des frères Bourgon en Hobbie 4, qui font aussi les légendes du Rhum.

 

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