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En ce mois d’octobre 1978, Mickael Birch se fait discret sur les pontons de Saint-Malo. Deux ans plus tôt, le navigateur a fait son entrée dans le monde de la course au large en décrochant une seconde place inattendue dans la transat anglaise (remportée cette année là par Tabarly).


Mais le canadien aux allures de cow-Boy débarquant de nulle part n’est pas embêté par la presse, beaucoup plus attiré par les caractères extravertis et les montures surdimensionnées d’Alain Colas et Michel Malinovski.


Manureva et Kritter V sont les deux plus gros bateaux de la flotte. Le duel promet d’être grandiose entre les deux hommes.

En 1978 lorsqu’il remporte la première route du Rhum, Mike Birch est âgé de 47 ans. Par la suite et jusqu’en 2002 (il est alors âgé de 71 ans), Mike sera présent à toutes les routes du Rhum.


Il détient le record de participation à la course.  

« Seule la victoire est jolie »


                                         Michel Malinovsky.




Un autre mythe va construire le socle de la première transat française.


Longtemps, Monique Malinovski s’est amusée à raconter aux journalistes cette après-midi d’automne où depuis son hôtel de Pointe à Pitre, elle vit arriver en tête le grand monocoque bleu de son mari Michel. Elle racontait aussi comment elle vit alors débouler « une drôle de machine à trois bras surmontée d’un drôle de machin hirsute et amaigri ».


Ce 28 novembre 1978, entre les Saintes et Basse-Terre, la première Route du Rhum semblait promise à Michel Malinovski et son lourd monocoque de 21 mètres.


Mais c’était oublier Michaël Birch et son trimaran jaune huit fois plus léger. Après vingt trois jours de course, deux choix de routes différents, les deux hommes se livrent à un final d’anthologie. David contre Goliath. L’image est spectaculaire. Elle est en direct au journal de 20h.


Birch devance finalement « Malino » de… 98 secondes. C’est la consécration pour Mike, totalement déboussolé par cette victoire sur le fil du rasoir. Birch s’est fait un nom, et la Route du Rhum entre dans la légende.


Phil Weld viendra compléter le podium en arrivant dans la nuit.


Le lendemain, ce sera au tour d’Olivier de Kersauson, alors connu pour avoir beaucoup navigué au coté de Tabarly, de franchir la ligne d’arrivée.


Immédiatement alpagué par les journalistes, dont un certain Pierre Salviac, Kersauson livre l’une de ses premières interviews d’anthologies.  

Le 16 novembre 1978, un peu plus de 10 jours après avoir quitté Saint-Malo, Alain Colas va envoyer un dernier message radio au large des Açores : « Je suis dans l’œil du cyclone, il n’y a plus de ciel, tout est amalgame, il n’y a que des montagnes d’eau autour de moi ».


Suite à ce message, Alain Colas ne donnera plus jamais signe de vie. On savait l’homme et le bateau en mauvais état. Les conditions de sa disparition ne seront jamais résolues. Pas d’indice, aucune trace d’épave, de morceaux de mâts. « Alain a dérivé et s’est échoué, amnésique, sur une ile déserte » lança à l’époque son père qui ne pouvait se résoudre à imaginer son fils noyé au fond de l’Atlantique.


La mystérieuse disparition de l’un des plus grands marins français va devenir l’une des légendes les plus connues et les plus tragiques de la Route du Rhum.

Du départ de la course à son arrivée trois semaines plus tard, quatre marins vont se prêter au jeu des « carnets de bord filmés ». Ce sont parmi les premières caméras embarquées.


Florence Arthaud, Michel Malinovski, Eugène Riguidel et Phil Weld vont ainsi quotidiennement raconter leurs déboires, leurs pensées encombrantes, leurs émotions, leur baisse de moral, nourris d’angoisse et parfois de peur. 


A 64 ans, l’américain Phil Weld, doyen de la flotte, va se révéler particulièrement performant dans ce registre. N’hésitant pas à se mettre en scène y compris dans des moments plus intimes (le lavage des cheveux « les plus beaux de l’Atlantique » restera culte), Phil Weld invente depuis sa table à carte la confession drôle et tendre du marin en solitaire.


Le concept fera par la suite école auprès d’autres marins tel que Loïc Péron ou Roland Jourdain.


Le lendemain, face à la pointe du Groin, Eugène Riguidel franchit la ligne en tête, caracolant à plus de 16 nœuds. A la tombée de la nuit, le trimaran possède une nette avance sur ces poursuivants Alain Colas et Phil Weld.


Mais l’euphorie sera de courte durée. Quelques heures plus tard, le voilier est abordé et s’écrase sur la muraille d’acier d’un ferry. Les dégâts sont importants. C’est le retour au stand. Miraculeusement la « SARL Glandos » l’équipe technique de Riguidel telle qu’il la nomme, parvient à remettre sur pied le voilier en un temps record. VSD peut reprendre la mer le lendemain.

Mais la structure a été fragilisée. Les infiltrations d’eau s’aggravent au fil des coups de tabac. Eugène bataille durant toute la traversée de l’Atlantique. Il finira par s’échouer dans les récifs de Barbuda alors même que Mike Birch rentre victorieux dans la marina de Pointe à Pitre.


La foule continue à se presser à Saint-Malo jusqu’au départ des 48 voiliers engagés. Etonnement, la course dont les pages d’histoire restent à écrire, fascine déjà.


Sur les pontons, les marins appartiennent à tout le monde et leurs bateaux font l’objet de toutes les convoitises. Ce jour là, Eugène Riguidel et son emblématique VSD battent des records de fréquentation.


A bord du trimaran, l’actrice Jane Birkin, marraine du bateau, est venue soutenir le marin avant qu’il ne largue les amarres.

Eugène bataille durant toute la traversée de l’Atlantique. Il finira par s’échouer dans les récifs de Barbuda

« puisque les garçons ne veulent pas m’embarquer, je vais y aller toute seule ».    


Florence Arthaud

La jeune femme a usé ses fonds de culottes en tirant des bords en mer Méditerranée.

 

L’Atlantique est un terrain de jeu qu’elle a peu expérimenté. Les marées, les courants, les histoires de brouillards l’angoissent. Elle hérite de l’Almanach du marin Breton d’un certain Philippe Poupon, qui vient la rassurer. « La marée, les courants, t’en fais pas, tu comptes 6h pour, 6h contre, et ça le fera ».

 

Philippe Poupon est à peine plus âgé. 24 ans et déjà une solide expérience d’équipier au coté d’Eric Tabarly.

Tabarly vient d’accepter de lui prêter le Pen Duick III pour participer à la première Route du Rhum. Mais le Philou n’est pas à la fête… quelques jours avant le départ, il n’a toujours pas réussi à boucler son budget. 50 000 francs manquent à l’appel. On demande à Poupon de quitter le bassin des participants. Blessé dans son orgueil, Poupon voit les Antilles s’éloigner.

 

C’est finalement Michel Etevnon, le créateur de la route du Rhum, qui va débloquer la situation. Il accepte de donner la moitié de la somme au jeune navigateur. Le reste sera versé par la ville de Saint- Malo.

 

Pen Duick III est ainsi rebaptisé Saint-Malo-Point-à-Pitre et se trouve bel et bien sur la ligne de départ.

Perchée sur le pont de son voilier, au milieu de quelques mamies endimanchées, Florence Arthaud fête ses 21 ans une semaine avant le départ de la course.


C’est l’âge minimum requis pour participer à la route du rhum. Désespérée par l’accumulation de refus d’embarquement dans les courses en équipages, Florence a décidé de ne plus attendre.

Les bateaux peuvent être gigantesques à une, deux ou trois coques

Quelques années plus tôt, Mickael Birch a quitté son boulot de mécanicien en Angleterre. Il dit un jour à l’un de ses collègues, « j’ai envie de naviguer, voir ce qu’il se passe sur la mer ». Et il est parti.


Se sont alors enchainés les convoyages, d’abord comme équipier puis seul à la barre. Mike croise la route de Walter Greene. Une rencontre qui sera déterminante pour la suite de sa carrière. L’architecte précurseur lui confie plusieurs trimarans d’un nouveau genre que Mike va prendre plaisir à mener de l’autre coté de l’Atlantique.


A l’automne 1978, le canadien se prépare donc à prendre le départ de la première Route du Rhum avec le plus petit bateau de la flotte, « Olympus ».



C’est une course d’un nouveau genre qui se profile avec l’invention de cette traversée de l’Atlantique « à la française », où tous les coups sont permis pour s’inscrire sur la feuille de match.


Les bateaux peuvent être gigantesques, à une, deux ou trois coques. « Sur le Rhum, il est interdit d’interdire » résumera bien des années plus tard le journaliste Luc Le Vaillant. « Quand les anglais aiment les skippers responsables, les français les préfèrent capitaines courageux, voire impétueux ».


La règlementation, très souple on l’aura compris, impose à ses participants de disposer d’une radio VHF. A bord d’Olympus, Mike Birch se souvient de Walter Greene qui était venu lui filer un coup de main, en gentil bricoleur du dimanche. Du passage des contrôleurs, qui trouvaient étrange l’absence d’antenne en tête de mât pour permettre à la radio d’émettre. De Walter qui grimpe pour fixer une antenne-témoin, qui ne sera au final rattachée… à rien.


Etonnement, Mike ne se fera pas beaucoup entendre sur les ondes durant les 23 jours de traversée.